Mission de recrutement

Un moment, le feu paraissait être le centre de l'attention des deux personnes, comme s'il était à lui seul un spectacle passionnant.

Le sorcier regardait ce feu et, en même temps, contemplait Nyrah sans le laisser voir. Elle était pensive et ne parlait que très peu, ce qui remit en mémoire au Reikon lorsqu'elle était au comptoir de la taverne.

Au plaisir de celui-ci, la sorcière semblait se porter beaucoup mieux depuis les soins d'un des membres de son clan. Elle semblait calme et agitée à la fois ; calme et sans expression comme elle était à son habitude, mais aussi cette fois agitée intérieurement.
Elle avait l'air tellement intriguée que ce sentiment était palpable.

Une des grandes questions qui passaient justement dans sa tête passa bien vite entre ces lèvres sèches, au désarroi de son destinataire.

Celui-ci ne voulait plus être hypocrite avec la jeune Mizue, il lui fesait désormais confiance sans même savoir pourquoi. Il se décida de lui dire ce à quoi il pensait vraiment, mais seulement une partie... Il n'aurait jamais pu dire tout ce qu'il avait sur le coeur.

Je me pose encore des questions sur vous, sur la vie que vous menez... Bien que je sache beaucoup de choses là-dessus à mes dépends, je veux toujours en savoir plus, vous comprenez ? Je ne suis pas fier de ressentir cela, d'ailleurs, j'aimerais pouvoir me détacher de cette curiosité qui me fait tant défaut...

Le sorcier avait récité cela comme un texte qu'il aurait auparavant appris par coeur. Il fit une pause, puis soupira. Il était manifestement gêné.

Toutes ces choses... Par ma faute... Je suis pitoyable.

C'était d'ailleurs la seule chose qu'il approuvait en commun avec Syan ; il ne se sentait qu'un être faible...
A vrai dire, sa puissance était à redouter, et il excellait au contrôle de celle-ci... Sauf quand ses souvenirs le hantent.

Elle avait écouté la réponse sans bouger, comme une pâle statue de cire...
Un instant elle regretta sa propre curiosité aux vues de ce qu'aZn venait de lui répondre... Mais après tout elle l'avait cherché.

Nyrah continuait a l'écouter tout en tournant et retournant dans sa tête les différentes réponse qu'elle pourrait proposer au sorcier.
Elle ne voulait pas lui mentir mais ne pouvait encore se résigner a parler de la mort de sa soeur.
La culpabilité qu'elle ressentait a ce propos lui embrasait le coeur rien qu'a sa seul évocation en pensées...

Les derniers mots du sorcier lui firent froncer les sourcils. Il se sentait coupable... Pourquoi...? Si quelqu'un devait être a blâmer ce n'était surement pas lui... Syan avait du le lui dire... Lui faire croire que tout était sa faute, mais Nyrah n'associait l'évenement qu'a sa seule faiblesse... Devant quoi ?
Elle ne se rappellait plus très bien ce qui s'était passé alors dans la taverne mais ce qu'elle savait c'est qu'elle avait une fois de plus laissé sa soeur la posseder... Ses remparts mentaux s'étaient afaiblis depuis sa rencontre avec cette Reikonne...

*Kihalyss...*

Syan avait alors trouvé la faille et semblait de mieux en mieux exploiter la brèche que la jeune guerrière avait ouverte.
Le coeur de Nyrah se serra, il faudrait qu'elle redouble de prudence... Et de force mentale.
Les frasques de sa soeur l'épuisait de plus en plus chaque fois et Nyrah se demanda combien de temps encore elle pourrait maintenir son âme a la surface...

Vous n'y êtes pour rien... Vraiment. C'est elle qui cherche a ouvrir la brêche... Par n'importe quel moyen.

Elle s'humecta les lèvres avant de continuer...

Quand a... Ma façon de vivre, elle est telle que vous la voyez. Je parle peu, je me mèle rarement aux autres... J'ai toujours l'air d'avoir l'esprit ailleur... Et je ne souris plus...

Ses propres mots l'amusaient mais elle ne souriait pas, elle même ne se reconnaissait pas a dévoiler ainsi sa vie... Mais elle lui faisait confiance et au fond, c'était un soulagement de pouvoir enfin partager ne serait-ce qu'une infîme partie d'un secret aussi lourd a porter.

J'essaie de lutter comme un Homme seul qui tenterais d'empecher la marée de monter... C'est sans fin... Et épuisant...

Elle s'était raprochée du bord du fauteuil, le visage tourné vers le sorcier.
La jeune femme hésita avant de poursuivre... Elle se lançait sur un sentier dangereux mais lui raconter ça était un tel soulagement qu'au fond elle se demandait si elle pourrait aller encore plus loin dans l'aveux...

Autre chose...?

A ce moment precis elle ne savait pas exactement si elle voulait qu'il dise non... Ou alors qu'il cherche a approfondir...

Peut-être qu'il n'y était finalement pour rien. La sorcière le lui avait déjà dit auparavant, mais il ne pouvait pas croire cela. Pour lui, les interventions de Syan devaient être rares, et il doutait que le hasard seul aurait pu faire que celle-ci ressurgisse juste au moment où il fesait connaissance de Nyrah...

Quoique pouvait dire son interlocutrice là-dessus, elle n'arriverait pas à chasser ce sentiment de culpabilité chez aZn.

Le fait qu'elle en dise plus sur son histoire le surprena, il n'aurait pas pensé une seule seconde qu'elle lui dirait quoique ce soit, il en savait déjà trop.

Il y'a bien une chose qu'il ne comprenait pas sur ce point, mais il se contenta d'oublier ça et d'écouter la paisible voix de Nyrah conter un peu plus sur sa vie.

Sa description d'elle-même amusa d'ailleurs le sorcier, qui avait l'impression de s'entendre parler. Finalement, peut-être qu'ils n'étaient pas si différents l'un de l'autre...

*La marée ...*

Le récit qu'il prenait d'ores et déjà plaisir à écouter se termina plus tôt que prévu. Il s'avanca un peu sur le fauteuil, les coudes sur les genoux, pour répondre à la question si soudaine de Nyrah.

Le fait que quelques unes de ses dernières paroles étaient sorties sans le vouloir ne l'avait, au final, pas déçu, il a su ce qu'il voulait savoir. C'est ce qui l'encouraga à poser une question qui, certainement, ne fera pas le plaisir de la sorcière mais ... Au moins, il saurait... Peut-être...

Oui ... Pour ce qui est de ... votre soeur...

Les iris du sorciers se detournèrent très rapidement pour éviter le regard de Nyrah.

N'y a-t-il aucun moyen de l'éiliminer à jamais ?

La vraie raison de cette question était l'inquiétude... Il n'aurait pas l'esprit tranquille à savoir Nyrah seule, toujours sous la menace de sa petite soeur...
C'était le même sentiment qu'aurait ressenti un grand frère par peur pour sa soeur, ce que le sorcier n'avait jamais connu, étant enfant unique...

Cette sensation inconnue était d'ailleurs source de peur pour lui... Lui, jeune sorcier expérimenté qui connaissait déja tellement de choses sur les mystères de ce monde.

Elle resta interdite quelques instants, comme si la question l'avait rendu muette... Puis elle ferma les yeux, apréhendant toutes les réponses possibles.

Mais même elle ne connaissait pas la réponse a cette question... était-il possible d'éliminer Syan... Voulait-elle vraiment la voir disparaitre pour toujours...?
L'avoir en elle était aussi une sorte d'expiation...

Le coeur de Nyrah se serra... Oui... une expiation, pour ce qu'elle avait fait, pour ce qu'elle regreterait toute sa vie...

Finalement elle se décida a répondre, prenant un air plus dégagé pour essayé de palier a ses propres angoisses.

A vrai dire... Je n'en sait rien... *expiation... Mhmm*

Elle détourna les yeux... Si elle l'avait su, aurait-elle donné a aZn le moyen de renvoyer sa jeune soeur? Elle en doutait.

Elle détourna les yeux et plongea son regard dans les flammes qui crépitait tout près de ses jambes nues.

... Expiation...

Elle avait parlé sans le vouloir, le mot qui trottait dans sa tête était sorti comme ça, comme attiré par les flammes... Aussitôt elle se mordit la lèvre, retenant un soupire.

*Décidement...*

Maintenant elle ésperait seulement que le jeune sorcier ne l'avait pas entendue...

Le fait que Nyrah n'en savait même pas plus que lui sur la question le fit soupirer. Il cherchait une solution en savant qu'il ne trouverait rien, mais il continuait.

Les lèvres sèches de la Mizue avaient bougé... Oui... Elle avait parlé, mais aucun son n'était parvenu jusqu'aux oreilles du sorcier, comme si elle était devenue tout à coup muette.

Le peu de recul qu'il avait pu avoir sur la situation lui avait permis de s'apercevoir qu'il était allé trop loin... Il commencait à être très indiscret, ce qui le suprprenait lui-même ; ce n'était pas du tout un comportement auquel il était habitué.

Sentant qu'il ne pouvait chasser ce comportement, il voulut assez brutalement finir cette courte conversation pour fuir. Fuir... Jamais il ne le ferait en combat, mais il était évident que le sorcier se sentait beaucoup moins mal à l'aise en pleine bataille que dans une situation pareille, pourtant si banale. La banalité était une chose qui lui était devenue étrangère avec le temps.

Pardon... Excusez-moi, vraiment... Je vais trop loin.

Il appuya ses mains sur les accoudoirs mous du fauteuil comme pour se lever, mais arreta son mouvement sur le coup pour parler d'un ton où l'on pouvait encore deviner un sentiment de culpabilité.

Si vous le voulez bien, je vais vous trouver une chambre dans la tour Sud du château... Vous avez besoin de repos, vraiment.

Le sorcier relacha la pression que ses bras exercaient pour retomber lourdement dans le fauteuil, qui ne manqua pas d'ejecter des brins de poussière tout autour de son corps.

Sa tête se rabaissa, puis un long soupir s'échappa de son nez. *Execrable...*

Un mouvement de fuite...? Non... Ca ne pouvait pas etre ça...

Aussitôt après elle s'en voulut d'etre la... Elle le gênait, elle l'avait vu dès la première seconde a la taverne...
Elle eut le même geste que lui mais quelques secondes plus tard... Retombant aussitôt sur le fauteuil.

Visiblement, son corps avait été plus affaibli qu'elle ne le pensait et elle fronça les sourcils a cette pensée.

Une chambre...? ici...? *Kihalyss...*

elle secoua la tête pour en chasser sa soeur, geste évidement vain...
La jeune sorciere leva les yeux au ciel l'air blasé de ces continuelles intrusions. c'était rare de lui voir effectuer un tel mouvement d'humeur.. Mais les circonstances et l'accumulation fesaient ici qu'elle laissait beaucoup plus libre cours a ses propres sentiments et sensations.

Si elle avait réussi a se lever elle se serait surement enfuit loin d'ici... Elle ne voulait pas qu'il ressente tant de gêne a son égard... Même si apres tout, il faudrait qu'elle s'y habite...

La jeune sorciere releva le visage, fixant ses lacs translucides dans les yeux du sorcier.
Elle plissa les paupières avant d'entrouvrir les lèvres... Mais aucun son n'en sortit...
Finalement elle se racla la gorge et avec son habituel placidité répondit...:

Une chambre... Oui c'est très gentil.

Ce disant elle hocha la tête.
Parfois elle maudissait cette stoicité... Mais elle était profondement encrée en elle... Il lui faudrait beaucoup d'efforts pour aller a son encontre et Nyrah ne savait pas si c'était une bonne idée... que de se dévoiler encore.

Par contre, je pense que j'aurais besoin d'aide pour y aller.

Elle avait la tête haute, le regard sûr... Oh non la timidité n'était pas un de ces traits de caractère même si sa maladresse pour communiquer pouvait parfois le laisser paraitre... Mais a cet instant on le voyait clairement... Elle se tenait droite sur le fauteuil pour masquer une partie de sa faiblesse physique, lèvres a présent closes et poings serrés sur les accoudoirs.

Les accoudoirs subirent à nouveau la pression des mains du sorcier qui s'était finalement levé de son fauteuil. Ses yeux se posèrent une nouvelle fois sur le jeune sorcière.

Nyrah... Cette femme mystérieuse était source de tant de confusion pour lui... Jamais il n'avait connu de personne qu'il ne pouvait réussir à cerner avec facilité ; jamais une personne n'avait été source de tant de questions pour lui ; et jamais cette personne était la cause inexpliquée des sentiments pour lui inconnus qui rôdaient dans son esprit...

Il s'avanca lentement jusqu'à elle pour lui tendre sa main, toujours habillée d'une mitaine décousue, avec un très léger sourire à peine visible.

Désormais, la jeune femme pourra s'accrocher à la même main qui lui était tendue il y'a peu, alors qu'elle était immobilisée par la froideur des flocons si caractéristiques du climat Reikon.

Sa bouche s'ouvrit et laissa s'échapper quelques mots d'un ton plus que posé.

Venez, je vais vous accompagner.

Comment pouvait-il rester calme, lui-même ne le savait pas et s'en fichait pour le moment ; il ne pouvait espérer mieux.

Les chambres sont à quelques pas d'ici... Je vous demande juste un dernier effort.

Sa voix, au fil de cette courte phrase, basculait jusqu'à un air amical qui n'était pas voulu.

Se rendant compte qu'il n'arrivait plus à se contrôler, le sorcier se répéta à lui-même que plus vite ce serait fini, plus vite il pourrait retrouver le calme intérieur qui lui avait échappé depuis quelques temps...

*elle leva les yeux vers cette main tendu et éprouva une étrange pincement au coeur... Mais bizarement ce n'était pas désagréable.
Ce qui l'était par contre c'était l'agitation soudaine de Syan qui sembla faire un bond vers l'avant, faisant bourdonner les tympans de Nyrah qui ferma les yeux brusquement.

*Non... Pas maintenant... Tu n'as pas le choix... Comme il est pratique... Notre petit prince. Syan je ne te laisserais pas... Oh que si... Mais ne t'en fais pas, je lui dirais au revoir de ta part chère, chère Nyrah... J'ai dis non. oooh crois tu que... NON, FERME LA SYAN !*

La jeune sorcière r'ouvrit aussi brusquement les yeux qu'elle les avait fermés... Il lui avait semblé que l'intervention de sa soeur avait duré un temps interminable... Mais en fait, cela n'avait duré qu'une fraction de seconde et aZn se trouvait toujours debout devant elle, présentant la paume de sa main a demi dissimulée par sa mitaine noire.

Sa réspiration s'était légèrement accélérée et elle soupira afin de la calmer rapidement puis releva ses prunelles limpides jusqu'au visage d'aZn avant de loger sa main au creux de celle du sorcier.

La main du sorcier se referma doucement sur celle de Nyrah pour inviter cette dernière à se lever, ce qu'elle fit tant bien que mal. Ses jambes tremblotèrent l'espace d'un instant, cela était surement dû au fait qu'elle n'avait plus marché depuis quelques temps... et surtout qu'elle était plus qu'épuisée.

Néanmoins il jugea que Nyrah était capable marcher jusqu'aux chambres malgré son état.

En effet il imagina les conséquences s'il croiserait une personne quelconque dans les couloirs avec une si jolie femme dans les bras ; les Reikons pouvaient parfois être assez médisants et partir d'un rien pour arriver à la pire des rumeurs qui soit.

Le simple fait que le sorcier refusait d'aider Nyrah à cause de cela en disait beaucoup sur l'ampleur du phénomène...

Il la regarda dans les yeux d'un air confiant qui remplacait une phrase réconfortante pour enfin se diriger lentement vers la porte d'ébène, toujours en tenant sa main derrière lui.

Finalement, il s'arreta devant celle-ci. Intièrieurement, le sourcier bouillonnait ; son coeur semblait trembler en cherchant de s'évader de l'emprise de son corps, et la sensation que cela créeait devenait quasi-insupportable.

Le Reikon inspira puis expira profondément de manière répétée pour essayer de se calmer. Malgré cela, la douleur ne fesait que s'itensifier et bientôt, sa main libre se posa sur la porte qui lui servait désormais d'appui.

Sa respiration devenait de plus en plus haletante. Il ouvrit finalement la porte, voulant emmener sa compagne aux chambres le plus vite possible pour qu'elle ne voie pas cette chose... Il ne savait pas d'où cette douleur venait ni où elle le mènerait, mais il voulait très vite en finir.

Après avoir traversé quelques couleurs sombres aux murs décorés par quelques vieux tableaux et autres sculptures représentant les grands guerriers de l'histoire du Royaume d'un pas pressé, le sorcier tomba sur les genoux, une main sur le coeur, lachant celle de la socière pour éviter de l'entraîner dans sa chute...

Il était dans l'impossibilité de continuer.

Au moment ou aZn lacha sa main, Nyrah écarquilla les paupières d'étonnement...
La jeune sorcière resta un moment pétrifiée mais ses esprits revinrent bien vite sonner l'alerte entre ses tempes.

Son éternelle placidité pouvait avoir de bons côté... Elle ne cedait que très rarement a ses sentiments... qu'il s'agisse de panique, de peur, de compassion ou bien tout autre... Mais cette fois si un long frisson d'effroi parcourut son dos, crispant chacun de ses muscles.

aZn...?!

Elle fit un pas en avant pour contourner le sorcier mais ses jambes refusaient d'agir selon les ordres de son cerveau et elle chancela, appuyant sa paume contre le mur pour ne pas tomber.
Comment pouvait-elle etre si faible dans un moment pareil ?! sa machoire se crispa et elle expira avec force avant de se redresser.

Elle passa devant aZn, s'agenouillant rapidement en face de lui.

aZn...?! qu'est-ce qui se passe ?

le sentiment d'impuissance était opressant... Son visage semblait chercher une solution a l'aveuglette... Elle posa sa paume contre le sol avant de relever les yeux vers le visage du sorcier.

La douleur de source inconnue qui se répandait désormais dans tout le torse du sorcier était devenue insupportable et ne pouvait plus s'amplifier davantage, il essayait de pousser des cris de douleur mais en vain, aucun son ne sortait de cette bouche grimaçante à l'extrême.

Le Reikon ne s'était jamais senti aussi faible depuis tant d'années... Et seule Nyrah, malgré elle, pouvait le rendre si vulnérable. Elle avait le seul pouvoir qui l'affaiblissait, celui de lui remémorer son passé...

La sorcière était la seule qui avait pu déterrer un sentiment que le sorcier n'avait plus ressenti depuis tellement d'années... Mais ce n'était en rien de sa faute, non. Ca aurait pu être quelqu'un d'autre... Ou peut-être pas.

La confusion qui s'était emparée du sorcier avait atteint son coeur, mais au fond de lui-même, il ne voulait pas y croire... Ca ne pouvait pas être ca... Non...

Des larmes remplacèrent les cris qui ne pouvaient pas soulager sa douleur. Elles parcouraient son visage si rapidement... Il porta sa main jusqu'à son visage comme pour se cacher.

Sa voix s'était éteinte à la manière d'une flamme prête à mourir, même lui avait du mal à s'entendre parler.

Ne... Ne me regardez pas...

Il se frotta finalement lentement le front comme pour calmer sa douleur, alors que ses tempes battaient visiblement au rythme des coups assénés un par un sur son crâne.

Puis sa respiration devint de plus en plus régulière. Il n'y avait plus de larmes qui tombaient abondament sur le sol poussiereux du château, même si la teinte rouge qu'avait pris ses yeux en disait long sur son état.

Il se racla la gorge puis se remit à parler...

Je... ne... Désolé... pour cette frayeur...

Le sorcier était comme perdu, complètement déboussolé et son regard se posa bien vite sur la sorcière agenouillée devant lui.

Ne vous... inquiétez pas. Ce n'est rien... Je vais bien...

Il s'appuya successivement sur le sol puis le mur pour se relever lentement, presque comme si de rien était, mais ses joues, qui reflétaient la lumière des chandelles en disaient bien long sur son état actuel. Son avant-bras tremblotant se posa sur ses yeux en décrivant un léger mouvement de va-et-vient.

Les chambres...

Il s'imaginait parfaitement ce que se demandait Nyrah sur ce qui venait de se passer et voulait vraiment éviter quelque question que ce soit ; la conclusion qu'il avait pu tirer sur la cause de tout cela était tellement gênante qu'il se mentait à lui-même pour ne pas le croire.

S'il croyait à son propre mensonge, pourrait-on vraiment l'accuser de mentir à son interlocutrice également ?

Nyrah le regardait en silence, une larme vint s'écraser sur sa peau et elle baissa aussitôt les yeux vers le dos de sa main.
Quand elle relèva le regard vers le visage du sorcier, il l'avait dissimulé derrière son bras.

Il lui avait demandé de ne pas le faire, mais elle ne pouvait s'en empècher... Son regard translucide figé sur le sorcier en une sorte de contemplation hypnotique.

Elle ne comprennait pas... Que se passait-il, pourquoi ce malaise...?

aZn... Qu'est-ce que...

La jeune sorcière n'avait pas eu le temps de finir sa phrase, aZn s'était relevé et lui indiquait les chambres...
Elle ne bougea pas...

Si ses jambes avaient déja du mal a la porter, a ce moment, la perplexité la retint au sol, le front levé vers le visage du sorcier que la flamme dansante des chandelles éclairait les traits.

Visiblement, il ne voulait pas qu'on lui pose de question et il avait bien vite caché les traces de son mal-être qui pourtant semblait se reflèter sous les flammes... Mais un flot de questions bruyantes et vibrantes s'infiltra aussitot dans l'ésprit agité de Nyrah qui n'avait toujours pas esquissé le moindre mouvement, genoux a terre, les paumes plaquées au sol et les prunelles fixées sur ce qu'elle pouvait entrevoir du visage d'aZn.

Voir aZn comme ça avait quelque chose de troublant...
Elle avait eu peur... Vraiment peur malgré le masque de poupée placide qui recouvrait ses traits, et lorsqu'elle l'avait vu tomber...

Nyrah secoua la tête, geste fréquent chez elle pour s'extirper des pensées disparates qui lui empoignaient l'esprit.

La jeune sorcière se releva enfin, faisant claquer ses semelles plates contre le sol en appuyant une de ses mains contre le mur afin de se maintenir debout.
Puis, de sa main libre elle vint saisir le poignet d'aZn, otant la main qu'il avait encore devant les yeux...
Elle ne posa pas les questions qui lui brûlaient les lèvres, gardant le poignet entre ses doigts fins... Mais a cet instant, les lacs d'argent de son regard en disaient peut-etre encore plus long...

*Qu'est-ce que ...*

La Mizue avait dégagé le visage du sorcier de son propre avant-bras et le regardait si fixement...

Il lui avait dit qu'il allait bien, mais était-ce vraiment possible après un moment pareil ? Le fait qu'elle ne lui avait pas posé de question ne le soulageait en rien vu sa position actuelle. Ses yeux si clairs remplacaient les mots...

Il aurait voulu cacher son visage du regard pourtant sans expression de Nyrah, mais il ne pouvait plus... Il n'en avait même plus la force.

Prononcer des mots lui était même difficile à cause de son éternelle timidité, mais il se forca à prendre la parole avec un semblant de sérénité.

Je crois que... Vous avez besoin de repos, et moi de solitude. Venez, nous sommes très proches.

Il ne détacha pas l'étreinte des doigts fins de Nyrah autour de son poignet puis se mit marcher à nouveau d'un pas lent.

Les bruits de pas des adeptes de la magie résonnaient entre les murs des couloirs comme l'écho que l'on pouvait observer dans une grotte. Ces couloirs étaient toujours faiblement illuminés par des chandelles, et décorés sobrement par quelques tableaux illustrant, la plupart du temps, des voleurs ou des espions, toujours triomphants.

Le sorcier ouvrit une porte en bois usé qui ne manqua pas de grincer, dévoilant une petite salle, au contraire des couloirs, remplie de lumière ; en effet quelques fenêtres aux rideaux tirés laissaient deviner que le soleil se couchait.

Une petite femme assez dodue se tenait derrière un comptoir, un livre à la main. Elle regarda négligemment les deux nouveaux arrivants. aZn chuchota quelques mots à l'oreille de la jeune sorcière.

Restez ici quelques secondes, s'il vous plaît.

Le sorcier se dirigea vers le comptoir, laissant Nyrah devant la porte. Il échangea quelques mots avec la femme que l'on pouvait assimiler à l'aubergiste du château, puis échangea quelques pièces d'or contre une clé gravée du numéro 7.

aZn revint vers Nyrah, lui prit à son tour le poignet de manière très douce pour la guider jusqu'à la porte portant le numéro 7. Il enfonca la clé dans la serrure et la tourna lentement jusqu'à entendre un "clac" bruyant.

La porte s'ouvrit sur une chambre totalement différente de tout ce qui Nyrah avait pu voir du château jusqu'ici ; la salle était spacieuse et offrait un espace agréable. Le mur à l'opposé de l'entrée était composé de deux fenêtres, cachées par des rideaux blancs, qui donnaient sur le territoire enneigé du Royaume de l'Ombre. Le grand lit double, au centre de la pièce, était recouvert d'un épais drap également blanc.
Au côté gauche de celui-ci, une carafe remplie d'eau ainsi qu'un verre reposaient sur un petit meuble en bois.

J'espère que cela vous convient.

Le sorcier relâcha le léger poignet de Nyrah.

Reposez-vous du mieux possible.

Enfin elle y était... Un endroit ou elle pourrait se reposer... Mais étrangement cela lui laissait un sentiment de vide.

Elle regarda quelques secondes la chambre sans un mot... Ses draps blancs, les rideaux et derrière la neige qui tombait ton sur ton comme un fantôme ballotté par le vent.

Nyrah fit quelques pas dans la chambre spacieuse, laissant le bout de ses doigts frôler le dessus de lit... Puis elle se dirigea vers la fenêtre avant de s'appuyer sur le mur a proximité.

C’était grand, propre, clair, que pouvait-on demander de plus...? Pourtant la jeune sorcière se sentait mal a l'aise... Mais pourquoi ?

*Stupide grande soeur qu'est-ce qui t'arrives...? Le petit prince te manque déjà...? Voyons il est juste derrière toi... Tais toi tu es ridicule Syan... *

Au même moment elle s'était retournée vers le sorcier qui avait attendu quelques instants devant la porte, faisant quelques pas vers lui avant de s'arrèter près du pied du lit.

Merci. C'est parfait...

La voix était blanche, plus neutre encore que d'habitude si c'était possible.

*Oh je ne voulais que t'aider... chère soeur*

Mielleuse, tellement désagréable qu'elle lui arracha un frisson... La voix de Syan à cet instant donnait à Nyrah l'impression qu'un serpent tentait de se faufiler dans la brèche qui s'était ouverte dans ses barrières mentales depuis l'intervention de Kihalyss...

La jeune mizu déglutit, restant au milieu de la chambre le visage tourné vers aZn
Les questions qu'elle n'avait pas posé continuait a tourner inlassablement dans sa tête et Nyrah finit par se détourner avant qu'elles ne franchissent ses lèvres.

Dos a lui elle ferma les yeux.... Sa mâchoire et ses poings se crispèrent tandis que ses pas la menèrent de nouveau vers la fenêtre aux rideaux blancs.
La jeune femme laissa glisser sa main derrière le rideau qu'elle écarta avant de poser sa paume contre le verre froid.
De la buée masquait en partie le paysage mais on voyait encore la neige tomber sans fin et Nyrah regardait ce spectacle sans réellement le voir.

Elle entrouvris les lèvres mais finalement se ravisa dans un soupire qui compléta la fine couche de buée qui recouvrait déjà les coins d’un des carreaux de verre.

*Non… *

Le regard fixe, comme si elle cherchait quelque chose au milieu des nuées de flocons…

*Partez … Vite… *

Une nouvelle fois elle ferma les yeux, le visage à quelques centimètres de la vitre… De dos on aurait pu croire qu’elle admirait simplement le paysage…

Il en avait fallu des évènements étranges poir qu'ils arrivent jusqu'à cette chambre...

Le sorcier,toujours debout à l'entrée de la pièce, se remémorait, non sans désarroi, tout ce qui s'était passé depuis qu'il avait rencontré la Mizu dans la taverne de la choppe sombre qui, et il ne savait toujours pas pourquoi, était vide à l'arrivée de la sorcière.

Celle-ci répondit assez tardivement à sa question qu'il avait déjà oubliée, étant perdu dans ses mémoires une fois de plus. La chambre lui convenait, donc que demander de plus...

Le reikon s'avança jusqu'au petit meuble en bois pour y poser la clé légerement rouillée. Il fallait qu'il la laisse désormais, il fallait qu'il s'en aille... Mais un pincement au coeur le retenit.

Pourrait-il vraiment s'en séparer un jour sans jamais plus être inquiet pour elle ? Elle n'allait que dormir et était totalement en sécurité dans l'enceinte Reikon, mais un mauvais pressentiment l'envahissait lorsqu'il la contemplait de dos.

Le sorcier soupira une nouvelle fois puis recula enfin, se disant à lui-même qu'il en avait fait assez pour en rajouter encore maintenant.

Une fois sorti, il posa sa main sur la clanche puis s'adressa une dernière fois à Nyrah.

Vous me trouverez dans le hall d'entrée dès demain matin.

Il avala sa salive avant de continuer.

Passez une bonne nuit... Nyrah.

La porte se refermit avec douceur.

La jeune femme rouvrit les yeux au moment ou elle entendit la porte se refermer derriere elle.

*Bien joué la niase ! *

Nyrah secoua la tête l'air blasé.
Comme a son habitude son visage était dénué de sourire, mais cette fois il paraissait éteint... La fatigue surement... Ou l'influence de Syan... Mais peut-etre autre chose aussi.

Elle décolla sa paume de la vitre, laissant une empreinte qui sembla bientot fondre comme la cire d'une bougie sous la flamme, laissant très vite de fines trainées humides sur le verre.

Elle arpenta la pièce, détaillant tout ce qu'elle avait éludé jusqu'alors: Les oreillers blancs, la carafe accompagnée de son verre vide... Le meuble de bois et la clé rouillée posée dessus.

Elle s'approcha du meuble, saisit le petit objet, le retournant entre ses doigts fins avant de le reposer avec un bruit matte.

*Que faire... Dormir? Impossible... *

Elle décida d'essayer quand même, portant ses main au niveau de son visage et décrochant doucement les extremités du diadème doré qui enserrait ses tempes. De fines mèches de cheveux blonds tombèrent de chaque côté de son visage, encerclant sa peau blanche.
Nyrah déposa son diademe pres de la clé sur le petit meuble avant d'étirer doucement son dos.
Ensuite elle détacha les chaines qui retenaient les voilages recouvrant a demi ses bras avant de les laisser retomber sur le sol dans un doux bruit de tissus.

Finalement elle s'allongea sur le ventre sans même prendre la peine de se glisser sous le drap, passant ses mains sous un des oreiller blancs.

Elle ferma les yeux mais ne dormit pas.
Il n'y avait pas un bruit dans la chambre mis a part le vent qui battait a la fenetre... Et Nyrah l'écoutait. Cela lui rappella un souvenir récent et plutot désagréable.

*tu ne compte pas dormir j'éspère?!*
Non...
*Tant mieux, je ne t'aurais pas laissé faire ma chère soeur... *
Je le sais...

Comme il n'y avait personne dans la chambre, Nyrah répondait tout haut... c'était une vision étrange, comme sortie d'une sorte de cauchemard... Vu de l'exterieur c'était assez dérangeant... Mais il n'y avait personne pour assister a cela et ça faisait longtemps que Nyrah n'y prettait plus attention.

La jeune sorcière se retourna, fixant ses iris d'argent sur le plafond aussi immaculé que le reste. Elle frissonna, restant pourtant toujours au dessus du drap, repliant ses jambes contre elle avant de fermer les yeux a nouveau, l'esprit en ébullition.

Le sorcier relâcha la clanche et soupira une fois de plus.

Il repartit d'un pas lourd par le même chemin qu'il avait emprunté auparavant dans le sens inverse. Les sculptures et autres tableux aux couleurs pâles se succédaient une fois de plus devant le regard inquiet du Reikon.

Encore une fois, les questions fusaient dans son crâne. Son comportement était autrement différent de celui auquel il avait habitué tout le monde.

Il croisa beaucoup de visages connus qu'il se contentait de saluer d'un timide signe de tête. En aucun cas il paraissait confiant aux yeux des autres, mais peu lui importait finalement.

La porte d'entrée très lourde du château s'ouvrit sur la nuit noire ; aucune étoile n'était visible dans le ciel... Comme d'habitude.

Il s'aventura seul, pour une énième fois, entre les fins flocons si caractéristiques du climat du royaume de l'Ombre, les pieds dans la poudreuse.

*Que vais-je pouvoir bien faire cette nuit ..?*

Après quelques minutes dans le froid glacial qui ne le gênait en rien, il se retrouvit au centre des montagnes enneigées, où la petite maison qui était la sienne était une des rares habitations dans ces reliefs peu accueillants. Il entra du même pas lourd avec lequel il s'était éloigné de Nyrah jusqu'ici, alluma quelques bougies et regarda son lit complètement défait d'un air dubitatif.

Le sorcier se décida finalement d'arracher un vieux grimoire de sa biliothèque remplie à craquer de livres qui portaient à peu près tous sur les mêmes sujets ; à la fois la puissance de la magie noire tant convoitée par tous les magiciens de son royaume, mais également des manuscrits au sujet de l'histoire de même royaume auquel il était dévoué depuis sa naissance.

Il ouvrit délicatement le grimoire et se plongea dans sa lecture. Il lisait des lignes, des sucessions de lignes manuscrites. Arrivé à l'une d'entre elles, il ne savait déjà plus ce qui était écrit le long de la précédente. Navré de constater qu'il ne pouvait rien assimiler ce soir, il plongea ses mains dans ses cheveux encore humides à causes des flocons qui s'y étaient logés, se disant à lui-même que la nuit allait être très longue...

Elle se reveilla en sursaut.
Nyrah se releva sur le lit, laissant le temps a sa respiration de se calmer... Un cauchemars? Elle ne se souvenait déja plus.

La jeune femme se releva, posant ses pieds nus contre le plancher de bois, passant une main glacée sur son visage brûlant.
Une goutte de sueur colla une mèche de cheveux blonds contre sa tempe tandis que d'autre mèches en bataille venaient a demi recouvrir son visage clair.

Elle atteint la fenetre et tira le rideau... Il faisait nuit noire...

* Quelle heure est-il...? *

La jeune femme se sentait opressée, elle n'y voyait pas a plus d'un metre par la fenetre et seule une nappe de flocons ballotés par le vent semblaient chavirer devant ses yeux.

Nyrah se détourna et approcha du meuble ou trônait toujours la carafe, la saisissant rapidement pour se servir un verre d'eau.

Elle se rassit sur le lit pour boire et failit renverser son verre quand Syan s'incrusta dans ses pensées.

* Alors... on dormait? *
*C'était toi... j'aurais du m'en douter *

Le rire de sa soeur résonna quelques secondes dans son esprit comme embué par la fatigue.

*besoin d'air... *

Elle se leva et posa le verre sur la commode sans même y avoir touché, filant de nouveau vers la fenetre... Mais alors qu'elle essayait de l'ouvrir, rien ne se passa.
Elle n'arriva pas même a faire bouger la poignée d'un demi centimètre.

*Bon sang *

La jeune femme soupira puis se tourna vers la porte l'air incertain.

mhmm...

Lorsque la clanche tourna, la porte grinça lugubrement mais Nyrah n'y pretta pas attention.
En sortant, elle avait laissé presque toutes ses affaires dans la chambres... Ses chaussures, son diadème... Mais peu importait, elle voulait juste prendre l'air.

La demi tresse qui attachait d'ordinaire ses cheveux s'était détaché pendant la courte période ou elle avait réussi a s'endormir et de longues mèches blondes retombaient sur ses épaules.
Elle arpenta les couloirs pendant quelques minutes, faisant bien attention de ne pas penetrer la ou elle ne devait pas aller.
Mais elle ne trouvait pas d'issue... décidement, tous ces couloirs se ressemblaient...

Au détour d'un énième couloir elle s'arreta... A l'evidence elle était completement perdue.
Elle décida de s'arreter, laissant aller son dos contre le mur.

*c'est malin... très malin... *

La jeune femme se laissa glisser cotre le mur, tombant bientot assise sur le sol froid.

Il regarda en direction de son lit, d'un air toujours aussi dubitatif qu'auparavant, si ce n'est plus.

L'image de Nyrah défilait dans sa tête sans jamais s'arrêter, comme un film qui se répétait sans cesse. Visiblement, rien ne pouvait éclipser la sorcière de ses pensées cette nuit. Il était habitué à ce genre de soirées emplies de solitude, et son expérience lui disait qu'il ne lui apporterait absolument rien d'essayer de dormir.

*Nyrah... Syan...*

Les deux soeurs étaient devenues la seule et unique préoccupation du Reikon, de plus en plus déboussolé. Dire qu'il ne les connait depuis seulement quelques heures...

Il esperait au fond de lui-même que ce sentiment ne serait qu'éphemère, et que ce serait la première mais également la dernière nuit qu'il vivrait totalement éveillé à cause des soeurs Mizu... Surtout que cela fesait quelques temps qu'il avait retrouvé le sommeil paisible, ce qui était assez rare pour être souligné.

Il se décida à refermer le grimoire et à le ranger soigneusement à son emplacement. Il se dirigea alors directement vers son bain qui contenait de l'eau tiède, presque froide, où il plongea progressivement son corps avant de soupirer une nouvelle fois.

*Est-ce qu'elle dormait vraiment en ce moment ? Elle avait tellement l'air épuisée... Mais ne semblait quand même pas en état de se reposer... Et Syan...*

Pour une nouvelle rare fois dans sa vie, il était tellement préoccupé et plongé dans ses pensées qu'il avait presque oublié le but de son existence ; la Garde Noire et sa Reine, sa soif de connaissances et l'humiliation qu'il devait affliger au royaume marchand...

Il sortit de son bain après une poignée de minutes seulement, se hata de se sécher pour se rhabiller au plus vite de vêtements propres, mais similaires à ceux qu'il portait en rentrant chez lui.

*Visiblement, je n'arriverai pas à trouver le sommeil quoi qu'il advienne...*

Il s'arracha de la chaleur de sa demeure pour se livrer au froid de la nuit glaciale, oubliant presque de refermer à clé la porte d'entrée derrière lui. Le sorcier reprenit la direction du chateau, marchant à côté des traces de pas déjà à moitié recouvertes qu'il avait creusé quelques instants auparavant.

Nyrah écoutait sa respiration, la tête posée sur ses bras, eux mêmes posés sur ses genoux.

Dans ses pensées Syan chantais un a un les couplets braillards de sa chanson paillarde préférée... mais Nyrah ne bougeait pas, elle n'écoutait plus... Ou n'entendait plus.

Ses prunelles grises étaient fixées sur le sol et détaillait avec insistance les moidres recoins du morceau de plancher qu'elle pouvait distinguer.

Finalement elle releva la tête.
Presque tout baignait dans le noir et les couloirs n'étaient éclairés que par la faible lumière de quelques torchères qu'on devait laisser allumées pour la nuit.

Elle ne voulait pas appeller pour ne réveiller personne et s'était dit qu'aller plus loin ne servirait qu'a la perdre d'avantage et la mener là ou elle ne devrait pas etre.

La jeune femme restait donc la, sans un mot, sans un mouvement... Seulement le bruit de sa respiration et la chanson de Syan s'entremellant dans ses idées sans s'y accrocher.

Au contraires ses pensées étaient tournées dans une toute autre direction.
Ou pouvait-etre aZn...? Que faisait-il...?
Question idiote, il devait dormir a cette heure-ci.... Il ne devait y avoir qu'elle pour être éveillée a cette heure... Et, qui plus est, perdue.

Nyrah avait froid, ses pieds nus contre la pierre semblaient s'engourdir... Mais quelle idée d'etre partie si vite et surtout sans penser a remettre ses chausses...

Elle en avait presque oublié le pressant besoin d'air qui l'avait fait sortir de la chambre.

Syan rit après qu'elle eut fini de chanter, faisant résonner les recoins de son âme...

*Ouuuh on s'est perdue... Comme tu es niaise... C'est pourtant pas difficile a ouvrir une fenetre... tu sais... Comme ça... ! *

Nyrah sentit ses paumes irradier brusquement, de minuscules étincelles brillantes semblant traverser sa chair... La jeune femme fronça les sourcils de surprise et de douleur, mais elle ferma brusquement les poings et tout redevint noir...

Une fois de plus, le sorcier avait franchi l'entrée du château Reikon. Il prenait la même direction qu'il avait prise en compagnie de la Mizu.

A peine arrivé dans le deuxième couloir de son trajet, il apercut une fine silhouette sombre assise contre le mur.

Le Reikon s'approcha de celle-ci dans le but de mieux voir qui semblait se cacher dans l'ombre, à l'abri des flammeches qui dansaient sur les rares torches présentes dans l'allée.

Tout en s'approchant d'un pas lent et silencieux, les aspects de la silhouette devenait plus précis et plus clairs.

*C'est une femme, mais... Que fait-elle ici ?*

Il fronca les sourcils par surprise.

*Ces cheveux blonds... Non...*

Il pouvait désormais apercevoir des longs cheveux blonds très lisses retomber sur de fines épaules. La femme était à peine mouvante et son visage était caché, plongé dans ses bras. Malgré cela, aZn reconnut sans mal celle qui envahissait ses pensées depuis des heures.

Ces sourcils restèrent froncés, et il se demandait si son imagination ne lui jouait pas des tours. Arrivé devant la jeune femme, le sorcier plia ses jambes pour se mettre à son niveau, puis tendit son bras droit qui se posa en toute délicatesse sur l'épaule nue de la sorcière, ce qui le fit à nouveau brûler intérieurement, comme à chaque contact physique qu'il avait pu avoir avec la sorcière auparavant.

Ceci confirma que cette silhouette n'était pas juste une hallucination, et c'est à ce moment seulement que le Reikon se posa des tonnes de questions, et la plus évidente fut la première qui sortit de sa bouche d'un ton très doux et calme.

Nyrah... Que faites-vous ici ?

Il scruta le corps de celle-ci pour en apprendre plus lui-même, constatant avec inquiétude qu'elle était pieds nus et qu'elle ne portait plus le diadème doré.
Le sorcier ota bien vite ses yeux verts du corps de Nyrah lorsqu'il commenca à deviner une legère chaleur s'emparer de ses joues et s'efforca de rester calme en attendant la réponse à sa question.

Nyrah ne bougea pas quand elle sentit la main sur son épaule...
De toute façon, elle savait déja qui s'était bien avant même qu'il ne prononce une parole...

*tiens donc... Mais revoila le petit prince qui vient te sauver du vilain couloir... La ferme... *

Elle releva finalement la tête au moment ou il se mit a parler, dévoilant un visage qui ne semblait ni marqué par la fatigue, ni par l'étonnement.

Elle cligna des yeux et serra plus encore ses poings afin de s'assurer que rien d'étrange ne transparaissait... Puis enfin elle répondit, la plus placidement du monde.

Je me suis perdue. Je voulais aller respirer dehors, je n'ai pas réussi a ouvrir la fenêtre...

La présence d'aZn a ses côtés était tout de même étrange... Lui non plus ne dormait pas ?

Son état ne semblait pas la perturber plus que ça... Ses cheveux détachés, ses pieds nus...

désolé pour le dérangement...

Visiblement elle s'était préparé a passer le reste de la nuit ici et l'arrivée d'aZn bien qu'imprevue se révéla de très bonne augure.
Pourtant une question s'imposa a Nyrah...

mh... Vous ne dormiez pas...?

Le sorcier regarda finalement la jeune femme dans les yeux. Elle semblait si vide de sentiments et ne laissait presque jamais paraître une expression sur son visage, mais elle était pourtant si spéciale à ses yeux...

Il lui répondit du même ton posé avec lequel il lui avait adressé la parole.

Ne vous excusez pas, ce n'est rien.

Un très léger sourire se dessina aux lèvres du Reikon, mais celui-ci disparut dès que Nyrah lui posa cette question.

Il s'était promis d'être totalement sincère avec elle, et il ne voulait plus se jouer d'elle à l'aide de l'hypocrisie, non... Il répondit vite à la question sur un ton très sincère, sans avoir pris le temps de réflechir à la réponse qu'il pouvait soumettre.

Non... Il m'est impossible de trouver le sommeil cette nuit...

Il s'arrêta finalement pour humecter ses lèvres, afin de continuer sur un ton beaucoup moins rassuré, le sentiment de gêne qu'il ressentait à prononcer ces mots était palpable.

Je... J'étais inquiet à votre égard. Je suis revenu pour... être proche de vous... J'avais besoin de veiller sur vous pour enfin être serein.

Son regard avait parcouru tout le couloir sans jamais s'arrêter sur Nyrah, et la plupart du temps celui-ci était tourné vers le sol. Jamais il n'aurait pu relever la tête à ce moment tellement il se sentait ridicule...

Elle écoutait le visage légèrement penché sur le côté, comme si une partie de la réponse lui échappait.
Elle n'avait simplement pas l'habitude de ce genre de discours a son égard. Une nouvelle fois elle cligna des paupières, en profitant pour remettre ses idées en place au milieu des récriations de Syan.

*Oh il a l'air mal a l'aise, tu le met mal a l'aise comme les autres... Non, pas comme les autres... Kihalyss, Kimahri... Arrète ! Tu les met tous mal a l'aise, tu vois que tu es malsaine ma chère soeur !

La jeune femme tenta d'occulter le discours véhément de sa soeur qui, assurement, tentait une nouvelle approche pour essayer de franchir encore une fois la brèche.

Veiller sur moi...?

Cette phrase éclipsa en une seconde la voix et la présence de Syan, franchissant ses lèvres sans vraiment qu'elle le veuille.
Elle replia plus encore ses jambes sous elle, dissimulant ses pieds nus.
La jeune femme avait repris conscience de son état et a présent elle se sentais gênée

Elle mordilla sa lèvre, toujours caractéristique d'une grande activité interieure.

*Du calme...*

Quelque chose en elle lui intimait l'ordre de faire quelque chose, de ne pas rester sans bouger, de ne pas le gêner d'avantage... D'essayer de sourire...
Elle ne put pas, au contraire son visage se durcit, semblant reprendre de l'assurance alors qu'elle perdait pied.

Encore une manière de se dissimuler au reste du monde... Mais le jeune Mizu n'avait plus envie de se masquer... Pas devant lui.
Elle chercha son regard, laissant a son visage et ses yeux clairs la possibilité d'exprimer ce qu'elle ressentait.

C'était étrange de disserner enfin quelque chose sur ses traits de marbres... On pouvait y lire sa gêne, sa confiance, et une sorte de frayeur de l'inconnu... Peut-etre autre chose encore... Ses lèvres entrouvertes semblaient poser un millier de questions implicites...

La jeune femme accrocha le regard du Reikon et inspira profondement.
D'interminables secondes passèrent comme si le temps s'était arrèté et, lorsqu'elle expira enfin, son visage se ferma... Redevenant ce paisible et impassible masque de poupée.

Le sorcier, restant sans réponse, montrait toujours un regard fuyant, évitant celui de Nyrah tant qu'il le pouvait. Néanmoins celui-ci captiva son attention, et, l'espace d'un instant, il avait pu voir le masque de Nyrah tomber, révélant un visage non plus dénué d'expression, bien au contraire.

Cette image resta dans l'esprit du Reikon, et il se dit à lui-même qu'elle y restera encore pour quelques temps...
Il avait enfin pu découvrir en l'espace de quelques secondes une Nyrah moins intimidante par son éternelle placidité mais beaucoup plus par la simplicité de sa beauté.

Cette même vision rappela également au sorcier l'existence de Syan, qui, bien au contraire de sa soeur, rendait ce visage plus expressif que n'importe quel autre.

Bien vite, même trop au goût du sorcier, le visage de la Mizu reprit la forme qui la caractérisait si bien.

La main d'aZn, préalablement posée sur l'épaule de la jeune femme, avait parcouru avec délicatesse tout le long du bras de celle-ci pour s'arrêter sur son maigre poignet dans le but de l'étreindre légèrement.

Il inspira silencieusement avant de casser le silence qui s'était installé dans le couloir d'une voix douce.

Venez... Nous n'allons pas rester ici éternellement.

Peu à peu, son rythme cardiaque rebaissait lentement, comme si l'effort qu'avait produit la sorcière l'avait aidé à se détendre.

Voulez-vous essayer de vous reposer ? Si ce n'est pas le cas, je tacherai de vous tenir compagnie jusqu'à ce que le jour se lève.

Il avait cessé d'essayer de deviner la réponse lui-même en observant le comportement de la jeune femme et n'attendait plus que sa réponse. Il avait abandonné l'idée de pouvoir cerner Nyrah tellement cela semblait impossible, de même pour sa soeur.

Il s'inquiétait par contre aussi pour lui...
S'il n'arrivait pas à fermer l'oeil sans penser à la Mizu, comment pourrait-il trouver la sérénité une fois que celle-ci sera retournée, seule, de là où elle venait ?

Le jeune sorcier s'efforca de ne pas y penser et de se concentrer sur le moment présent...